Nous avons appris avec tristesse le décès, le 21 février 2021, de Bernard Njonga, fondateur de l’ONG agricole SAILD, du journal La voix du paysan, de l’Association des citoyens pour la défense des intérêts collectifs (ACDIC) et du parti politique « Croire au Cameroun » (CRAC). Comme le rappelle Etienne Beaudoux dans ce texte, sa rencontre a été stimulante et exigeante pour les Iramien.ne.s dans leur promotion de l’appui aux organisations paysannes.
Le décès de Bernard Njonga (1955-2021), laisse orphelin le monde rural camerounais pour lequel il a mené un combat sans relâche. Fondateur de l’ONG agricole SAILD, du journal La voix du Paysan, de l’Association des citoyens pour la défense des intérêts collectifs (ACDIC) et du parti politique « Croire au Cameroun » (CRAC), il fut au surlendemain des indépendances africaines un acteur-clef au Cameroun. Pour, nous Iramiens promoteurs de l’appui aux organisations paysannes sa rencontre était stimulante et exigeante;
Ingénieur agronome, après des études au centre universitaire de Dshang, il devint fonctionnaire de l’Etat camerounais, assistant de recherche à l’Institut de Recherche Agronomique pour le Développement (IRAD). Mais après trois ans, il démissionna en 1987 de la fonction publique pour se consacrer à « la cause paysanne ». Il promut alors l'organisation non gouvernementale « Service d’appui aux initiatives locales de développement » (SAILD) qui publiait le journal « la voix du paysan ».
En 2003, il conduisit « la guerre du poulet » : 22 000 tonnes de poulet européen entraient au Cameroun tandis que la production locale chutait à 13 500 tonnes. Face à cette catastrophe économique et sociale, Bernard Njonga promut, en 2003, « l’Association citoyenne pour la défense des intérêts collectifs » (Acdic), qui mena campagne aux côtés des aviculteurs. Son objectif : défendre la souveraineté alimentaire et convaincre la population et les autorités que l’interdiction des importations serait un bienfait pour l’économie du pays et pour les consommateurs. C’est un combat gagné qui sera suivi d’un autre : en 2008 la dénonciation des détournements de fonds dans la filière maïs (avec l’appui de José Bové).
Avec les producteurs locaux Bernard Njonga initia des « Journées nationales de dégustation » pour la promotion des produits locaux. Les producteurs furent conquis par le pain enrichi aux farines locales (patate, maïs, manioc), le riz, les produits laitiers. C’étaient des alternatives concrètes, efficaces aux importations et un soutien aux producteurs camerounais.
Quelques points marquants à propos de Bernard Njonga :
- Il a eu le courage de quitter la fonction publique pour se consacrer à la défense des paysans. Dans nos partenariats iramiens nous avions coutume de cultiver les relations avec des fonctionnaires « acquis » à la cause paysanne mais le choix de Bernard est plus radical. Les départs de la fonction publique à venir ultérieurement seront davantage pour se lancer dans l’agro-business (production agricole ou bureau d’étude)
- Ce choix radical de Bernard ne sera pas sans conséquences pour ses relations avec les iramiens qu’il considérait trop proches du pouvoir ou des intérêts français représentés par l’AFD ..
- Il a eu la vision opérationnelle de l’appui aux producteurs et de l’intérêt d’une presse professionnelle non seulement militante mais aussi de vulgarisation technique avec la création de « la voix du paysan » se faisant le relais d’expériences d’organisation paysanne mais apportant aussi des informations techniques et des descriptions d’expériences sur les productions et la commercialisation.
- Et il a su promouvoir et tenir des batailles politico-syndicales (autour du poulet et du maïs) comme peu d’organisations syndicales paysannes n’ont réussi à le faire à l’époque (en dehors des producteurs de pomme de terre de Timbi-Madina en Guinée)
Si un jour nous faisions le Maitron des partenaires historiques des Iramiens, Bernard aurait toute sa place dans ce dictionnaire.
Etienne Beaudoux
Le 23 février 2021